« Vous avez à inventer un nouveau langage pour parler de la paix et c’est un vrai défi ! »

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Jubilé des Journaliste_Janvier 2025 - 1

Le 24 janvier 2025, en la fête de saint François de Sales, patron des journalistes, le cardinal Fernando Filoni a présidé la messe pour les membres de la Fédération des Médias Catholiques venus participer à Rome au Jubilé du Monde de la Communication. Cette célébration eucharistique s’est déroulée dans la chapelle de la Curie généralice des jésuites. Nous publions ici l’homélie prononcée à cette occasion par le Grand Maître de l’Ordre du Saint-Sépulcre.

 

Chers amis et chères amies,

Aujourd’hui l’Eglise célèbre la fête de Saint François de Sales et pour vous qui travaillaient dans la communication, dont c’est vocation, le choix de vie, aujourd’hui est donnée l’occasion de s’arrêter un moment, de réfléchir pour redémarrer ensuite sur le chemin sur lequel vous avez été appelés à vous engager. S’arrêter et réfléchir sur votre vocation – comme nous le faisons maintenant à travers le don de la Parole de Dieu et dans la relation avec Lui – n’est absolument pas quelque chose de banal.  Parce que communiquer  n’est pas banal !

Il y a en fait des phases qui précédent la communication : saisir les faits, en comprendre le sens, raisonner sur ce que c’est primaire ou secondaire et après, comme dernier pas, les porter à l’attention des autres, sachant bien qu’on a une responsabilité sociale et civile, quelquefois même pénale.  Après, communiquer – nous le savons très bien – c’est un art : à travers le récit que nous offrons, nous avons la capacité de penser et clairement aussi, en quelque sorte, d’influencer les personnes et leurs actions.

L'attraction pour cette « vocation » vient du désir d'être en relation ; et le communicateur crée tellement de relations qu'il vit constamment, pour ainsi dire, “connecté”. Chacun peut réfléchir à la genèse de cette « vocation » qui est la sienne : comment cela a commencé, qui vous a inspiré et vous a guidés dans les premiers pas, les premiers entretiens et articles, les défis auquel vous avez dû faire face mais aussi bien les grandes satisfactions ; chacun peut parcourir sa propre histoire et vous allez trouver des similitudes et des différences ; une richesse de voies qui rend le « curieux » journaliste unique en son genre.

On dit que François de Sales (1567-1622), dans une époque de grandes contradictions, se retrouva comme dans un sombre nuage noir à l'âge de seize ans ; un jour, il prit une sage décision en se disant en substance : « sur cette terre, je cherche la lumière pour en faire le fondement de ma vie »; il comprit aussi que dans cette recherche, il lui fallait de la patience et que le chemin n’allait pas être simple.  Il vivra cet engagement tout au long de sa vie, notamment par une prédication mesurée, avec des écrits clairs et simples, en recherchant la rectitude sans le rigorisme, comme il était d'usage dans le monde calviniste de son époque.  Sa Philothée, son texte le plus célèbre, est un condensé de sagesse positive et transparente.

Je suis heureux aujourd'hui de vivre avec vous ce moment de prière ; de le vivre ensemble, parce que même le « curieux » journaliste a besoin de prier pour que la lumière de Dieu ne lui fasse jamais défaut dans la connaissance et la communication, avec patience.

Laissons-nous donc entourer et pénétrer dans ce moment de prière, d’arrêt spirituel, par la Parole de l’Evangile, toujours fraiche et source d’inspiration. Nous sommes en Galilée, au début de la vie publique de Jésus. Les foules suivent cet homme qui accomplit des signes qui laissent les gens très étonnés et qui parle de manière séduisante et avec autorité, s'inscrivant dans la lignée des promesses faites à Israël qui, après des siècles, semblent finalement prendre chair.

Omélie Jubilé des Journaliste_Janvier 2025 - 1

En gravissant la montagne ce jour, Jésus donna une vocation : il n'était pas possible de commencer sa mission sans impliquer quelques personnes ; et Jésus le fait ! L'Évangile dit qu'il en appela et constitua douze. Il est intéressant que l'écrivain sacré mette immédiatement leurs noms, parce que cela fait sortir de l'anonymat les douze qui l'avaient déjà vu et entendu, comme autant de personnes, et – permettez-moi un petit commentaire stylistique – l’évangéliste Marc ajoute aussi bien un clin d’œil journalistique – comme vous souvent le faites – en nous donnant des détails comme le surnom donné à Jacques et Jean, « Boanerguès », c’est-à-dire : « Fils du tonnerre ».  Le fait de sortir de l'anonymat des personnes avec leur propre vie, leur profession, leurs relations familiales est quelque chose d'extraordinaire. Du point de vue de ceux qui font de la communication, nous savons que cela est indispensable – donner un nom, raconter l’histoire d’une personne – car ce sont les personnes concrètes qui agissent, écoutent, commentent et témoignent.

Aimons ce moment qui, symboliquement, ne nous laisse pas indifférents, en pensant à notre « vocation », mais aussi au fait que nous sommes nous-mêmes impliqués dans un Jubilé qui ne nous est pas indifférent.  Si, en tant qu’hommes et femmes de communication, nous suivons son déroulement et les événements qui sont proposés et organisés à travers notre travail, en revanche, en tant que chrétiens, nous le vivons nous aussi en première ligne comme le don qu’il offre : une expérience de renouvellement spirituel.

Comme les gens cherchent Jésus et Jésus se fait trouver, donc, laissons-nous trouver et impliquer nous aussi. Aujourd’hui aussi en fait, Jésus gravit la montagne et appelle à lui tous ceux qu’il veut : c’est un appel extraordinaire mais qui exige une réponse de notre part pour qu’on puisse être témoins d’une mission. Le don d’une vocation exige toujours une réponse, une prise de conscience, une prise de responsabilité.

Et nous voici aujourd’hui : Jésus nous appelle à nous aussi par notre nom pour nous “envoyer proclamer la Bonne Nouvelle”. La mission d’apôtres se concrétise dans le travail au service de la vérité, de l’information, du partage et de la connaissance. Ne le sous-estimez jamais !

Permettez-moi de faire encore une brève observation, qui découle de l'écoute de la première lecture d'aujourd'hui : l’auteur sacré nous parle du Christ comme médiateur d’une Alliance nouvelle. C’est en Lui que vous êtes venus vous renouveler à Rome, en passant la Porte Sainte, pour que votre service de la vérité se trouve renforcé par sa grâce, afin que votre travail soit toujours davantage empreint de son Esprit, dans la délicatesse des mots choisis, dans le respect des personnes citées, dans le désir ardent de faire mieux comprendre le contexte des faits et d’unir ceux qu’éloignaient les préjugés de l’ignorance.

Vous êtes donc appelés à être, en quelque sorte, médiateurs d’une Alliance nouvelle, dans le Christ, surtout en ce temps de beaucoup des guerres où il devient parfois impossible d’échanger, de se parler, de s’entendre…  Vous avez à inventer un nouveau langage pour parler de la paix et c’est un vrai défi !

C’est la passion pour la vérité et la recherche d’elle qui nous tient dans cette espérance de porter la lumière au milieu des ténèbres, comme vous le faites avec le Prix Jacques Hamel, pour encourager celles et ceux qui communiquent dans le sens du dialogue et de la fraternité, à la suite du prêtre français mort martyr, qui a aimé jusqu’au bout, en fidélité aux promesses de son baptême, mourant en prononçant ces mots courageux : « Va-t-en, Satan ! », sans confondre la personne de son jeune assassin manipulé de l’extérieur avec l’esprit du mal qui le poussait à commettre ce crime.

Demandons au Seigneur en ces jours qu’il nous donne la force de continuer à être des médiateurs d’unité dans ce monde déchiré, n’ayons pas peur, invoquons l’Esprit du Christ, demandons-lui de vous aider à combattre avec votre plume ou votre micro, comme des Chevaliers de Dame vérité, vêtus du manteau de la charité ! La Bonne Nouvelle que vous êtes appelés à proclamer, c’est qu’il y a toujours un matin, celui de la Résurrection dont nous voulons être les témoins au quotidien, dans la vie des gens, jusqu’à la fin des temps.

 

Fernando Cardinal Filoni

 

(Rome, 24 janvier 2025)