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Prière et charité

 

Le temps du Carême nous invite à vivre spirituellement et concrètement les dimensions de la prière et de la charité. Quelques passages sur ces deux thèmes, tirés du livre Et toute la maison fut remplie de l’odeur du parfum (cfr. pag. 65-75), peuvent nous aider dans notre réflexion.

 

Tout d’abord, la prière.

La prière ne devrait jamais faire défaut dans notre vie.

Dans la famille de Nazareth, Jésus apprit à prier selon le rituel juif, à la synagogue de son village. La prière faisait partie de la vie de Jésus et cela suscitait chez les disciples le désir de l'imiter ; c'est pourquoi il ne s'est pas contenté de recommander la prière, il a enseigné comment prier.

Le « Notre Père », qui est la prière par excellence, est devenu à la fois contenu et trace de la prière. Le Seigneur nous a ensuite appris à prier : sans hypocrisie, avec réserve, sans mots inutiles. Enfin, la « veillée » dans la prière apparaît dans les Évangiles comme une constante évidente du Seigneur avant les moments les plus importants : ainsi, la nuit précédant sa passion, le Seigneur demande à ses disciples de veiller et de prier avec Lui.

La prière fait aussi partie, en soi, du style et de la nature de l'Église ; il est donc bon que chacun apprenne à prier et le fasse sans cesse. Dans la prière, en effet, la foi s'exprime. Pas « notre » foi, mais la foi de Jésus à laquelle nous sommes unis. Dans la prière, nous devons également toujours demander au Christ de nous permettre de nous unir à Lui afin qu'ensemble nous puissions nous tourner vers le Père et obtenir le don de l'Esprit Saint, selon le très bel enseignement de saint Augustin qui disait que le Seigneur Jésus « prie pour nous comme notre prêtre, prie en nous comme notre tête, est prié par nous comme notre Dieu » [1].

En ce qui concerne la charité, Benoît XVI a écrit dans l'un des documents les plus intéressants de son pontificat que «le principal moteur du véritable développement de chaque personne et de l'humanité tout entière» [2]  est la charité, dont Jésus-Christ a témoigné par sa vie terrestre et, surtout, par sa mort et sa résurrection. La charité est une force extraordinaire, qui pousse les gens à s'engager avec courage et générosité dans toutes leurs activités, en particulier dans le domaine de la justice et de la paix. Il s'agit ici de comprendre que la racine de la charité est le Christ : sa vie, son enseignement, les signes qui l'ont accompagné, sa passion, sa mort et sa résurrection.

Jésus ne fait jamais l'éloge de la charité, il montre concrètement ce qu’est la charité envers les personnes dans le besoin : les pauvres, les malades, la femme accusée d'adultère, les possédés eux-mêmes ; et même le docteur de la Loi qui lui demande : « Qui est mon prochain ? » (Lc 10,29). Jésus ne donne pas d'explications mais raconte la parabole du bon Samaritain, celle de l'homme qui, en descendant de Jérusalem à Jéricho, est tombé sur des brigands qui l'ont dépouillé et battu, le laissant à moitié mort ; seul un Samaritain s'est occupé de lui. La conclusion était évidente : « Va, et toi aussi, fais de même. » (Lc 10, 37).

Avec la prière, qui exprime la foi, la charité prolonge aussi la présence du Christ dans le monde si l'amour du prochain est enraciné dans l'amour de Dieu ; cet aspect est fondamental dans la vision chrétienne, car l'amour du prochain se libère d'une certaine conception anthropologique neutre et retrouve la conception théologique établie par le Christ ; l'amour du prochain est une mission qui concerne chaque fidèle individuellement, mais également toute la famille ecclésiale : de l'Église locale à l'Église universelle dans son ensemble. Dans la mesure où ils sont ensuite unis au mystère du Christ, sacramentellement par le baptême, les chrétiens perçoivent qu'ils sont membres d'une même famille, celle de Dieu, qui nous appelle à ne jamais perdre de vue notre appartenance et notre mission qui est de faire le bien. C’est vers cette mission que nous nous tournons et pour laquelle nous puisons notre force dans notre vocation personnelle, en tant que personnes mariées, célibataires, consacrées, mais aussi en tant que membres d'associations spécifiques. Les engagements que nous avons pris sont d'une grande importance et sont en accord avec les Actes des Apôtres - tous ceux qui étaient devenus croyants donnaient une partie de leurs biens aux autres, selon les besoins de chacun (Actes 2,44-45) – et avec l'Apôtre Paul qui, dans des moments particuliers de calamité, de persécution et de famine, demandait aux communautés d'Antioche, de Grèce, de Galatie et de Macédoine de se souvenir des « saints » de Jérusalem et de faire des collectes, qu'il décrivait comme généreuses, voire « au-dessus de leurs moyens » (2 Co 8,3-4). Les chrétiens perçoivent donc, dans cet engagement commun de charité et de prière, qu’ils possèdent un des « traits » caractéristiques, qui leur permet d'exercer leur spiritualité à travers « une grande générosité » puisée dans « leurs ressources matérielles » [3]. Il convient de rappeler ici les très belles paroles du pape saint Léon le Grand, qui disait aux chrétiens de Rome : « Que la générosité envers les pauvres et les souffrants soit plus grande, afin que l'on puisse rendre grâce à Dieu. Et que cela se fasse dans la joie » [4]. La joie du bien ! Le Carême nous incite à marcher sur cette double voie : la prière et la charité.

 

Fernando Cardinal Filoni

 

(Mars 2022)

 

 

[1] Du commentaire sur les psaumes de saint Augustin, évêque, Ps 85, 1; CCL 39, 1176-1177.

[2] Benoît XVI, lettre encyclique Caritas in veritate, n° 1 ; voir aussi l’autre encyclique : Deus caritas est.

[3] Voir à ce propos l’article 4 des Statuts

[4] S. Saint Léon le Grand, pape, Discours sur la passion du Seigneur, n° 15.