Mieux comprendre et aimer l’Église qui est en Irak

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La_Chiesa_in_Iraq_New3 L'Église dans la terre d'Abraham, du cardinal Fernando Filoni (Cerf, collection L'histoire à vif, juillet 2009)

Ce mois de mars étant marqué par le voyage du pape François en Irak, le Grand Maître de l'Ordre a souhaité centrer l'attention des membres sur ce territoire biblique qui a accueilli l’Évangile dès l'âge apostolique. Ancien Nonce apostolique en Irak, auteur d’un livre sur l’Église en Irak[1], le cardinal Filoni - qui fait partie de la délégation pontificale pendant ce voyage - nous livre ici quelques réflexions essentielles pour nous aider à comprendre l'évènement et ses suites de façon plus profonde, en communion avec les chrétiens du Moyen-Orient. 

 

Connaître l’histoire des chrétientés du Proche-Orient et en particulier de la Mésopotamie – aujourd’hui l’Irak – n’est pas une extravagance culturelle oisive, mais une approche qui permet de comprendre les motivations et les événements dramatiques de cette région et d’apprécier la vie, la culture, le témoignage de foi et les raisons de l’attachement des chrétiens à leur terre, mais également la haine de leurs ennemis. On comprend, en même temps, la noblesse d’âme de ce peuple trempé par deux réalités fondamentales : le fait d’être une minorité, ce qui engendre un fort attachement à ses valeurs, à son origine et à sa culture, et le fait d’être l’héritier de martyrs et de confesseurs de la foi, porteurs de ces valeurs inhérentes à la foi des pères et que d’autres ne peuvent revendiquer de la même manière.

Ceux qui ont vécu parmi eux ou qui les connaissent par la lecture ne peuvent pas ne pas aimer ces personnes. Parce que la connaissance crée des liens et rend les individus capables de partager et de s’impliquer.

L’Histoire est la victoire contre l’ignorance, l’obscurantisme, l’intolérance ; c’est le respect, c’est l’incitation à ne pas répéter les erreurs.

Elle nous fait comprendre que ces communautés ont survécu à des siècles de pressions faites  d’impôts et de taxes, d’indictions matrimoniales et d’interdictions, de discriminations et de haines, d’intolérances et de jalousies et, enfin, de persécutions également. C’est à tout cela, avec une incroyable capacité de résistance, d’adaptation pragmatique et culturelle, sans fléchissement dans leur foi, que les chrétiens ont survécu.

La communauté chrétienne, en tant que communauté qui date de l’ère apostolique, porte en elle le vécu de vingt et un siècles d’amour du Christ et de l’Église, et elle accepterait d’être déracinée, plutôt que de céder au vainqueur de service. C’est une Église héroïque, comme ont l’habitude de la qualifier Benoît XVI et le pape François. Sans elle, et même sans elles – en pensant à toutes les Églises du Moyen-Orient, qui portent également la même empreinte – cette région ne serait pas la même. Je ne peux pas, cependant, ne pas penser également à toutes les autres minorités ethniques et religieuses, souvent persécutées et en souffrance sur cette terre. Il existe ici une mosaïque de nationalités, de religions, de confessions sans lesquelles la coexistence serait détruite pour toujours, ce que reconnaissent aussi d’éminentes autorités musulmanes et de simples citoyens, comme on me l’a répété à plusieurs reprises. Et cela est positif. Mais il faut ajouter qu’il est nécessaire de faciliter le maintien et la vie des minorités.

Quand le 10 août 2014 le pape François m’a envoyé comme son représentant personnel en Irak pour rencontrer, parler, voir, louer, prier et se montrer solidaire des souffrances indicibles des victimes du fanatisme de l’État islamique, ce fut une expérience à la fois grave et chargée d’émotions.

Aujourd’hui, malgré l’insécurité et la pandémie qui touche aussi l’Irak, le Pape a décidé de s’y rendre. Comme l’a dit le Patriarche chaldéen, le cardinal Louis Sako, le Pape ne va pas en Irak pour résoudre les nombreux problèmes, mais pour donner force et raison à l’espérance, au dialogue entre chrétiens et musulmans et, en même temps, encourager également les efforts de la réalité politique complexe, tourmentée par le tribalisme et des intérêts locaux et internationaux. Je suis certain qu’une grande partie du peuple irakien considère ce jour comme un geste de paix et de solidarité.

 

Fernando Cardinal Filoni

             

 

(Mars 2021)

 

 

[1] L'Église dans la terre d'Abraham, du cardinal Fernando Filoni (Cerf, collection L'histoire à vif, juillet 2009)